La consommation de cannabis et le risque de développer une psychose ultérieurement
Auteur de larticleMarlene BuskoAuteur de la FMCDésirée Lie, MD, MSEd
Date de parution1er août 2007
[TRADUCTION] Le 1er août 2007 Une analyse systématique détudes longitudinales suggère quil existe suffisamment de nouvelles preuves qui démontrent que la consommation de cannabis (marijuana) augmente denviron 40le risque de développer ultérieurement une maladie psychotique. Cette étude montre que les personnes qui ont consommé du cannabis courent plus de risque de faire une dépression, bien que les indications ne sont pas significatives.
Larticle de Theresa H.M. Moore, MSc, de la University of Bristol au Royaume-Uni, et de ses collègues a été publié dans lédition du 28 juillet de The Lancet.
Lauteur de létude, Stanley Zammit, PhD, de la Cardiff University au pays de Galles, a déclaré à Medscape que les individus qui ont consommé du cannabis sur une base hebdomadaire ou quotidienne courent de deux à trois fois plus de risques de développer des troubles psychotiques, indépendants de lintoxication transitoire ou dautres facteurs confusionnels. Il ajoute«avons examiné rigoureusement la qualité des études et nous croyons quil existe une indication suffisamment forte pour justifier limportance dinformer la population, particulièrement les jeunes, du fait que la consommation de cannabis peut potentiellement occasionner des risques pour la santé, et ce, particulièrement sil est consommé sur une base régulière.».
Les auteurs écrivent que le cannabis est la drogue illicite la plus fréquemment consommée dans la plupart des pays. Ils ajoutent quau Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, environ 1 jeune sur 5 dit consommer du cannabis toutes les semaines ou en avoir consommé plus de 100 fois. Les études précédentes suggèrent que la consommation de cannabis peut induire des expériences psychotiques et affectives transitoires habituellement légères. Cependant, le fait quelle augmente lincidence de problèmes de santé mentale, comme la schizophrénie ou la dépression, na pas été établi.
Le groupe a recherché des études longitudinales fondées sur la population qui se penchent sur le lien entre la consommation de cannabis et les troubles psychotiques et affectifs subséquents. Onze études de sept cohortes ont été trouvées. Celles-ci examinent les répercussions psychotiques. Deux autres études de quinze cohortes ont pour leur part étudié les répercussions affectives.
Risque et effet dose-réponse
Les chercheurs ont constaté quil existe un risque accru constant de répercussions psychotiques chez les personnes qui ont déjà consommé du cannabis (ratio dincidence approché ajusté de 1,41 et intervalle de confiance de 951,20 à 1,65). Ce risque est encore plus important chez les individus qui en ont consommé plus fréquemment (ratio dincidence approché ajusté de 2,09 et intervalle de confiance de 951,54 à 2,84).
Le groupe écrit que la plupart des études ont exclu dès le départ les personnes qui souffrent de psychoses. Ainsi, il est improbable que lassociation entre la consommation de cannabis et la psychose résulte de la cause inverse. Les études ont également été ajustées en tenant compte denviron 60 facteurs confusionnels. «facteurs peuvent différencier les consommateurs de cannabis des autres. Parmi ces facteurs, certains peuvent accroître le risque de développer une maladie mentale. Cependant, même après avoir effectué des ajustements en tenant compte de ces facteurs, lassociation entre la consommation de cannabis et la psychose persiste », a expliqué le Dr. Zammit.
La preuve voulant que la consommation de cannabis conduise à la dépression, aux idées suicidaires et à lanxiété est moins constante. «la qualité des études nest pas aussi bonne que celle des études sur la psychose », précise le Dr. Zammit. À titre dexemple, il ajoute que dans bon nombre détudes les résultats nont pas été ajustés en tenant compte des facteurs confusionnels.
«ême si le risque quun individu développe une maladie psychotique grave au cours de sa vie nest que de 2ou 3on peut sattendre à ce que le cannabis ait un impact important sur un niveau de population en raison de lexposition à cette drogue commune », ajoute-t-il.
«message général est que les gens qui consomment du cannabis sur une base régulière doivent être conscients de ce risque afin de pouvoir prendre une décision éclairée relativement à la continuation de la consommation, la diminution de celle-ci ou la recherche daide contre la toxicomanie », a-t-il conclu.
Létude a été financée par le Department of Health du Royaume-Uni. Les recherches du Dr. Zammit ont été financées par la National Assembly du pays de Galles. Madame Moore na divulgué aucun lien financier pertinent. Le Dr. Zammit a reçu des honoraires pour des conférences et des discussions et des honoraires dexpert-conseil (pour des travaux sans lien avec le cannabis) pour le compte de compagnies pharmaceutiques. Les sources de financement des autres auteurs sont présentées dans larticle original.
Éditorial «est nécessaire dinformer le public et détablir le traitement»
Dans un éditorial qui accompagne ce document, Merete Nordentoft, MD, et Carsten Hjorthøj, du Copenhagen University Hospital au Danemark, ont écrit que cette étude constitue la méta-analyse la plus complète réalisée à ce jour sur cette possible relation causale et que lajustement en fonction des facteurs confusionnels et des effets transitoires «été fait dune manière plus approfondie que dans le cadre des analyses précédentes». Ils ont signalé que,pour cette raison, ils acceptent la conclusion des auteurs voulant que la preuve soit suffisante pour informer les jeunes du fait que la consommation de cannabis augmente le risque de psychoses plus tard au cours de leur vie.
Ils ont noté que le public en général a dit percevoir le cannabis comme étant relativement sans danger comparativement à lalcool et aux opiacés. Ils ont toutefois émis la mise en garde suivante«les effets à long terme potentiellement dangereux du cannabis en ce qui a trait à lapparition de psychoses semblent avoir été négligés. Il est nécessaire dinformer le public de ces dangers et de mettre au point un traitement visant à aider les jeunes consommateurs fréquents de cannabis.».
Le Dr. Nordentoft et m. Hjorthøj nont pas divulgué de liens financiers pertinents.
Lancet, 2007, 370, 293-294, 319-328.
Contexte clinique
Selon les auteurs de létude, le cannabis est la drogue illicite la plus fréquemment consommée au Royaume-Uni et aux États-Unis. Vingt pour cent des jeunes disent en consommer au moins une fois par semaine ou en avoir consommé beaucoup, soit 100 fois ou plus. Même si lon sait que le cannabis peut causer une intoxication transitoire présentant des symptômes psychotiques et affectifs légers, les effets chroniques à long terme du cannabis nont pas encore été bien évalués et aucun essai clinique randomisé nest disponible en raison des questions éthiques entourant la tenue de tels essais.
Il sagit dune revue systématique et dune méta-analyse détudes de cohortes qui a comme objectif létude des risques de développer des troubles psychotiques ou affectifs associés à la consommation de cannabis à long terme.
Faits saillants de létude
- Les études longitudinales fondées sur la population ou les études cas-témoin nichées dans les plans longitudinaux ont été exclues.
- Les cohortes de personnes qui ont des maladies mentales ou des problèmes de consommation de substances psychoactives, qui consomment du cannabis à des fins médicales et qui sont incarcérées ont été exclues.
- Les catégories de diagnostics pour les problèmes psychotiques incluent la schizophrénie, les psychoses affectives et non affectives, les symptômes psychotiques, les idées délirantes, les troubles de la pensée et les hallucinations.
- Pour les problèmes affectifs, les catégories de diagnostics incluent la dépression, lanxiété, les idées suicidaires, les tentatives de suicide, la névrose et la manie.
- Les recherches de bases de données ont été effectuées dans MEDLINE, EMBASE, CINAHL, OVID, PsychINFO, WebSPIRS, ISI Web of Knowledge, ISI Proceedings, ZETOC, BIOSIS et LILACS.
- La qualité de létude a été évaluée et la mise en commun des analyses a été faite avec des études similaires et homogènes.
- Lévaluation de la qualité tenait compte de la reconnaissance du lien de causalité inverse, la partialité et les facteurs confusionnels, les effets de lintoxication transitoire, le taux de réponse et la stratégie déchantillonnage.
- Il existe onze études sur les psychoses. Du nombre, sept sont incluses dans lanalyse. Celles-ci portent sur les troubles psychotiques.
- Vingt-quatre rapports incluent des problèmes affectifs.
- La plupart des études ont exclu dès le départ les participants qui souffrent de psychose.
- La moitié des études ne tiennent pas compte de lalcoolisme ou de la consommation dautres substances psychoactives.
- Létude est ajustée en fonction de facteurs confusionnels, incluant la consommation dautres substances psychoactives, les troubles de la personnalité, les relations familiales, la criminalité, les facteurs socioéconomiques, lintellect et les troubles mentaux.
- Les analyses mises en commun montrent un risque accru de 40de tout problème psychotique chez les individus qui ont déjà consommé du cannabis (ratio dincidence approché ajusté mis en commun de 1,41 et intervalle de confiance de 951,20 à 1,65).
- Les conclusions correspondent à leffet dose-réponse et reconnaissent lexistence dun risque accru chez les personnes qui consomment plus fréquemment (ratio dincidence approché ajusté de 2,09 et intervalle de confiance de 951,54 à 2,84).
- On remarque chez les consommateurs les plus fréquents un risque de psychose accru de 50à 200
- Les résultats des études qui ne portent que sur les troubles psychotiques cliniquement pertinents sont similaires.
- Loccurrence des risques de dépression, didées suicidaires et danxiété est moins constante que dans les études sur les troubles psychotiques.
- Six études portent sur la dépression. Dans une étude, on constate que les hommes courent un plus grand risque que les femmes. Ces résultats ne se sont pas répétés dans une autre étude.
- Sept études portent sur les pensées suicidaires et les tentatives de suicide. Quatre études signalent un risque accru alors quune étude na pas réussi à prouver quun tel lien existe.
- Sept études portent sur les problèmes danxiété. Deux études signalent une association positive qui persiste malgré lajustement en fonction des facteurs confusionnels.
- Lampleur de leffet sur les troubles affectifs est faible. Dans le cas de la dépression, lampleur de leffet varie entre 1,3 et 1,6 pour les catégories de consommateurs qui consomment davantage (consommation de cannabis hebdomadaire ou mensuelle).
- Au Royaume-Uni, environ 800 cas de schizophrénie pourraient être évités chaque année par larrêt de la consommation de cannabis.
- Les auteurs concluent que la consommation de cannabis est associée à un risque accru de développer une maladie psychotique plus tard au cours de la vie.
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